Nous sommes en 2014, les photos peuvent être postées sur Internet 3 secondes après avoir été prises et les plus jeunes n’ont probablement jamais vu une pellicule argentique de leur vie. Pourtant, certains essaient toujours d’utiliser des appareils mécaniques (de ceux qu’on trouve à côté des ossements de dinosaures dans les musées).
J’ai appris les bases de la photographie il y a des années, lorsqu’il n’y avait pas de capteurs numériques, juste du bon vieux film argentique. Avec le recul, c’était un vrai bordel…. bazar (et je pèse mes mots) : il fallait trimballer toutes ses pellicules avec soi, la moindre tentative de prendre en compte la température de couleur se soldait par l’utilisation de film tungstène ou de gélatines colorées, les performances n’avaient rien à voir avec ce que les capteurs modernes peuvent faire et il fallait changer de film à chaque changement de condition de prise de vue. Et enfin, il fallait acheter les pellicules et payer pour les faire développer et tirer. Ma créativité et mon envie étaient limitées par mon budget.
J’ai aussi fait pas mal de développement et de tirages en labo moi-même : certains produits puent ou sont toxiques. Si vous n’êtes pas un tant soit peu organisé, c’est un peu la Bérézina lorsqu’on se retrouve dans le noir total avec une pellicule exposée coincée dans une spirale. Et là encore, ça coûte un bras (voir la moitié d’un corps).
Alors ? pourquoi donc s’amuser à utiliser des pellicules en 2014 ? laissez moi juste vous expliquer les différentes étapes par lesquelles vous allez passer si vous vous lancez dans l’aventure.
étape 1 : acheter un appareil
Truc et Astuce : Par pitié, restez à tout prix loin de ce buzz, mode, mouvement (appelez ça comme vous voulez), que certains appellent Lomographie.
C’est juste un truc commercial qui vise à vous fourguer du matériel pourri afin d’obtenir par accident les mêmes effets qu’Instagram: “Oooohh ! le boitier s’est entrouvert et a exposé la pellicule ce qui donne de jolis dégradés colorés!”, “non mais vous avez vu le grain que donne ce film à 3200 ISO ?”. Et ne me parlez pas de retour aux sources de la photographie, vous allez juste dépenser 50 ou 70 euros (j’en ai vu à plus de 100) pour un appareil en plastique avec une lentille en plastique qui ne coute rien à produire ! (autant vous dire que vous allez vous faire pigeonner)
A moins de vouloir briller dans les soirées branchouilles avec votre jouet en plastique, si vous voulez essayer l’argentique, trouvez juste un appareil normal, un vieux reflex par exemple. Vous pouvez en trouver d’occasion pour un prix équivalent, sauf qu’il fonctionnera encore en 2025 et vous pourrez probablement le revendre pour le même prix.
Encore mieux : demandez à vos parents ou grands parents s’ils peuvent vous donner leur vieil appareil de 1980. Il fonctionne probablement encore, et il suffira de changer la pile si c’est un semi-automatique (si vous n’avez jamais utilisé un appareil manuel, un semi-auto avec priorité à l’ouverture est sans doute la meilleure option).
Par exemple, j’ai acheté un mieux Pentax MV de 30 ans pour une quarantaine d’euros (exactement le même que mon cher papa utilisait dans les années 80 et avec lequel il m’a fait prendre mes premières photos – je sais, je suis un grand sentimental).
étape 2 : acheter les pellicules
Vous avez l’appareil, allez au magasin …. non d’abord trouvez un magasin qui vende des pellicules, ensuite demandez 2 pellicules (oui, 2, nous verrons après pourquoi). Noir et blanc ou couleur en fonction de votre envie. Puis, passez à la caisse pour vous acquitter de la modique somme de 10 ou 15 euros.
Truc et Astuce : Quitte à payer ce prix là, demandez à ce qu’on vous montre comment charger l’appareil avec si vous ne l’avez jamais fait (ou si vous ne voulez pas demander, achetez une 3e pellicule au cas où vous vous plantiez à la première tentative ; la fierté a un prix 😉 ).
étape 3 : prenez la première pellicule
Commencez à prendre vos photos. Eh non, on ne peut pas voir le résultat à l’arrière de l’appareil. Vous allez devoir réfléchir avant d’appuyer sur le déclencheur et vérifier que tout est ok.
Truc et Astuce : il n’y a pas de “je shoote – je vérifie – je corrige – je shoote à nouveau” avec l’argentique.
Bien sûr, vous pouvez prendre plusieurs photos à chaque fois, mais souvenez-vous que votre pellicule ne fait que 24 ou 36 poses (et souvenez vous de son prix !).
étape 4 : faites développer
Bravo ! vous avez “grillé” votre première pellicule comme on dit. Allez donc dans votre labo photo local et attendez que le développement soit fini.
Truc et Astuce : Il faudra probablement attendre le lendemain ou un peu plus ; faire développer une pellicule, c’est un peu comme la veille de Noël avec l’excitation avant l’ouverture des cadeaux.
Truc et Astuce encore (c’est Noël !) : prévoyez 10 ou 20 euros pour le développement et les tirages (les cadeaux de Noël ça se mérite !).
Attention, âmes sensibles respirez un bon coup avant ! En regardant vos photos, vous allez probablement être déçu. Pas mal de photos seront mal exposées, d’autres mal cadrées, etc … Si vous aviez pu voir le résultat directement sur l’appareil, vous auriez sans doute refait ces photos. Mais voilà, il est trop tard !
étape 5 : prenez la seconde pellicule
Maintenant vous allez sans doute avoir une approche différente pour votre 2e rouleau de film. Cette foutue pellicule vous a coûté au moins 5 euros, et le développement va vous couter une quinzaine d’euros (en plus de l’attente). A presque 1 euro la photo, vous allez sans doute y aller moins vite et tout faire avec attention avant de décider de prendre une photo.
Truc et astuce : Déclenchez moins, mais investissez plus à chaque fois.
Cette seconde pellicule ne fera pas de vous le prochain Henri Cartier Bresson, mais il y a une chance qu’elle soit meilleure que la première.
Conclusion : appliquez tout ça au numérique
De retour sur votre numérique adoré, essayez juste de désactiver l’affichage automatique des photos à chaque prise de vue. Si vous n’êtes pas un professionnel en plein job, pourquoi avez-vous besoin de contrôler le résultat immédiatement ? Est-ce que vous pensez que vous aurez 2 fois une chance de faire une photo ? Non ! iI y aura toujours des variations entre deux prises de vue, et encore faut-il qu’il soit possible d’en faire plusieurs.
Appliquez juste ce que vous avez vu avec vos pellicules : est-ce que le sujet vaut le coup ? est-ce qu’il manque quelque chose dans votre composition ? est-ce que les réglages sont bons ? est-ce le bon moment où faut-il attendre ? etc
Ne vous y trompez pas, je ne suis pas en train de dire que vous ferez de meilleures photos avec un appareil argentique. Je dis juste que, comme toute contrainte qu’on s’impose, cela vous forcera à travailler plus et à vous améliorer de sorte que cela puisse vous servir quelque soit l’outil utilisé (c’est en fait le seul truc et astuce à retenir).
Le numérique est un formidable outil qui permet de s’affranchir des contraintes d’un autre temps. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il ne s’agit que d’une opportunité d’aller plus vite dans le déroulement de la prise de vue et le traitement. La démarche doit rester la même et ne pas profiter d’une apparente facilité pour sauter les étapes.
Au final, même en 2014, l’argentique est toujours aussi amusant et instructif. Et si vous voulez vraiment toucher à la magie de la photographie, je vous conseille vivement de trouver un club qui vous fera découvrir le développement en chambre noire. Voir une image apparaître sur papier dans un bain de révélateur a toujours un côté magique. Si vous vous intéressez à la photo c’est une expérience indispensable (le vrai retour aux sources) !